Le tribunal correctionnel de Nanterre vient de condamner le responsable de cette disparition, Marc Denhez, un gynécologue des Hauts-de-Seine. Le médecin a reconnu avoir élaboré un « stratagème » pour dérober les enfants et les confier à un couple d’amis à lui.
Gisèle Coussin rencontre Marc Denhez en 1993. Enceinte de cinq mois, elle lui fait part de ses problèmes affectifs et financiers, de sa peur de ne pas pouvoir assumer sa grossesse. Le médecin l’écoute, lui promet de l’aider. « Il a abusé de sa confiance, explique la substitut du procureur Nathalie Becache. Il l’a incitée à ne pas déclarer sa grossesse, et a ouvert un dossier médical au nom d’une autre femme. »
Aucune trace, aucune preuve n’est conservée de la grossesse de Gisèle Coussin. Lorsqu’elle accouche prématurément, ses jumelles sont aussitôt placées en institut de puériculture. Le lendemain, Marc Denhez lui demande de quitter la clinique et de rentrer chez elle. « Je pensais qu’il allait garder mes enfants quelques jours, et qu’ensuite je pourrais les prendre avec moi », explique la mère. Mais le docteur Denhez a d’autres plans. Il fournit de faux certificats d’accouchement à ses amis, qui se rendent à l’état civil et reconnaissent les jumelles. Puis ils repartent avec elles en Martinique, où ils sont domiciliés.
Commencent alors six années de calvaire pour Gisèle Coussin. « Tous les jours, j’allais au cabinet de Marc Denhez. Il m’a d’abord dit qu’elles étaient mortes. Puis il m’a assuré que j’avais accouché sous X et que je ne pouvais plus les récupérer. »
Elle se met à écrire des lettres. Au président de la République, au Premier ministre, aux services d’aide sociale… En vain. « Personne ne la croyait, les gens la pensaient folle », raconte Nathalie Becache.
En 1994, une émission de télévision lui fait prendre conscience de la manipulation dont elle est victime « Ils parlaient de l’accouchement sous X. Ils expliquaient qu’il faut remplir des formulaires, rencontrer des psychologues… Moi, je n’avais rien fait de tout cela. »
Informé en 1996, le ministère public ordonne une enquête. Le médecin généraliste de Gisèle Coussin témoigne que sa patiente a bien été enceinte en 1993. C’est elle qui l’a orientée vers Marc Denhez. Une perquisition au cabinet du gynécologue permet de retrouver des photos des jumelles.
Marc Denhez expliquera qu’il a voulu sauver les petites filles d’un « probable infanticide ». Accusation « odieuse » et « infondée », tranchent les juges, qui le condamnent à deux ans de prison avec sursis et 100 000 francs d’amende. Les parents « adoptifs » sont condamnés à six mois de prison avec sursis.
Aujourd’hui, les deux jumelles ignorent encore tout de leur vraie mère. Gisèle Coussin devrait leur rendre visite en Martinique au mois de mars.
Source : Ondine Millot, Le Nouvel Observateur, semaine du jeudi 17 février 2000.