Né à la Réunion il y a 42 ans, Jean-Jacques Martial avait été arraché à sa famille pour repeupler le département de la Creuse où le déficit des naissances était criant. 1200 enfants ont subi le même sort sur une île alors surpeuplée.
Arrivé en France, Jean-Jacques est placé dans une famille d’accueil puis adopté dans des conditions empreintes de profondes illégalités. Jean-Jacques Martial devient Jean-Jacques Barbey. « La première fois que je suis allé à l’école avec ce nom, ça m’a fait très mal », se souvient-il.
Jean-Jacques découvre le pot aux roses en mai 2001 et entame aussitôt des démarches auprès du Garde des Sceaux Marylise Lebranchu afin qu’on lui restitue son patronyme. La réponse est négative. Il réitère sa demande auprès de Lionel Jospin, Ségolène Royal et Elisabeth Guigou mais n’obtient pas de réponse.
C’est finalement sous le gouvernement Chirac qu’il obtiendra gain de cause, grâce au ministre de la Justice Dominique Perben. En juillet 2001, au moment où il retrouve sa famille à la Réunion, il apprend la nouvelle : Barbey est redevenu Martial.
En février 2002, il attaque l’Etat au tribunal administratif sous la forme d’un recours en plein contentieux et réclame un milliard d’euros de dommages et intérêts. « J’ai tellement souffert pendant toutes ces années … ».
Sa mère, qui n’a jamais signé de procès-verbal d’abandon, le pensait décédé.
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L’assemblée nationale a reconnu mardi la responsabilité morale de la France dans l’affaire dite des enfants réunionnais de la Creuse. Plus de 1.600 enfants de l’île avaient été déracinés pour repeupler la métropole dans les années 60 et 70. Un peu plus de 200 d’entre eux ont vécu en Creuse. « Ce n’est pas souvent que l’on vit un tel moment d’émotion à l’Assemblée” a confié une députée à la sortie des débats. Il aura fallu attendre plus de 50 ans pour que l’Etat reconnaisse son erreur. Les députés ont voté mardi une résolution admettant la responsabilité morale de l’Etat dans le déplacement de 1600 enfants réunionnais, entre 1963 et 1982, vers des départements de l’Hexagone touchés par l’éxode rural, notamment la Creuse. Ils étaient nombreux à être venus assister aux débats à Paris.
Source : Géraldine Marcon pour Francebleue.fr du 19/02/2014.