Corinne n’a que 20 ans lorsqu’elle rencontre, sur les bancs de la Fac, celui qui deviendra son époux trois ans plus tard : Abdel-Haq, un étudiant en droit d’origine Marocaine qui « ne pratique pas la religion islamique ». A la naissance de leur fille Sara le 27 avril 1982, le couple part s’installer au Maroc où Corinne est contrainte de se marier une seconde fois selon les lois islamiques.
Son passeport et celui de Sara leur sont retirés afin qu’elle ne puissent pas s’enfuir du pays. C’est par un chantage moral qu’un an et demi plus tard, Corinne parvient à regagner la France avec sa fille et son mari. Non sans difficultés : le beau-père de la jeune femme est chargé de la sécurité de Mohammed V, père du roi Hassan II et sa belle-soeur est chargée de mission auprès du Premier Ministre.
Le 17 août 1984, Corinne demande le divorce. Pressentant cette décision irrévocable, Abdel-Haq enlève sa fille et la rapatrie dans son pays d’origine.
Le 9 mai 1985, le divorce est prononcé aux torts du mari. La garde de Sara est confiée à sa mère. Celle-ci devra attendre le 22 février 1989 pour se voir accorder l’exequatur du jugement par le tribunal de première instance de Rabat, au Maroc.
Mais entre la décision d’exequatur (l’exequatur est la décision judiciaire française autorisant l’exécution en France d’une décision rendue par une juridiction étrangère) et sa mise en pratique, il n’y a pas qu’un pas. Un premier courrier daté du 12 novembre 1992 adressé à Corinne par le Ministère de la Justice à Paris fait état de « recherches d’indices permettant de localiser Sara ». Une seconde lettre l’informe qu’étant « de nationalité marocaine aux yeux des autorités Marocaines, il n’est pas possible aux Services Consulaires français de diligenter eux-mêmes les enquêtes qu’elle souhaite au regard du droit international consulaire ».
Après neuf années de combat, Corinne a enfin obtenu la restitution de son enfant. « Au début, je ne supportais même plus de rentrer dans sa chambre. J’avais l’impression que c’était un cimetière. Je luttais pour ne pas me donner la mort, je me cachais pour pleurer. Il m’est même arrivée de dire que je n’avais pas d’enfant pour ne pas avoir à expliquer le problème. Dans la rue, je courrais après des petites filles qui lui ressemblaient parce que croyais la voir partout. Au bout de neuf ans, quand on voit que la Police ne peut rien faire, que les juges d’instruction vous menacent de mettre votre dossier au placard, quand on vous dit que tout est de votre faute parce que vous n’aviez pas à épouser un Arabe, on devient agressif. Mais l’amour est le plus fort et je ferai tout pour que ma fille continue à voir son père. Un enfant a besoin de ses deux parents ».
Photo : Corinne retrouve sa fille à l’issue d’un terrible combat.