Il arrive que l’on ne souhaite plus communiquer, ni se projeter dans le temps, ni même participer au présent ; que l’on soit sans projet, sans désir, et que l’on préfère voir le monde d’une autre rive : c’est la blancheur. La blancheur touche hommes ou femmes ordinaires arrivant au bout de leurs ressources pour continuer à assumer leur personnage. C’est cet état particulier hors des mouvements du lien social où l’on disparaît un temps et dont, paradoxalement, on a besoin pour continuer à vivre.
David Le Breton signe là un livre capital pour essayer de comprendre pourquoi tant de gens aujourd’hui se laissent couler, sont pris d’une “passion d’absence” face à notre univers à la recherche de la maîtrise de tout et marqué par une quête effrénée de sensations et d’apparence. Voilà qu’après les signes d’identité, c’est cette volonté d’effacement face à l’obligation de s’individualiser, c’est la recherche d’un degré a minima de la conscience, un “laisser-tomber” pour échapper à ce qui est devenu trop encombrant, qui montent. La nouveauté est que cet état gagne de plus en plus de gens et qu’il est de plus en plus durable. David Le Breton, avec cet ouvrage en forme de manifeste, fait un constat effrayant et salutaire de notre engourdissement généralisé. Nous sommes tous concernés par ce risque d’une vie impersonnelle.
David LE BRETON est professeur de sociologie à l’Université de Strasbourg, membre de l’Institut universitaire de France et de l’Institut des études avancées de l’Université de Strasbourg (USIAS). Il est l’auteur, entre autres, de : L’Adieu au corps, Anthropologie de la douleur, Marcher, La Saveur du monde, Éclats de voix et Mort sur la route (roman noir).
Disparaître de soi – Une tentation contemporaine, de David Le Breton – Février 2015 – Editions Métailié, Traversées – 17 € – ISBN : 979-10-226-0160-3