Nous sommes en 1931, les parents SENDYK, Ajzyk Majer (né le 25/12/1902 à Varsovie) et Rajzla LANKFELD (née en 1901 à Varsovie) quittent la Pologne pour rejoindre la sœur de Rajzla et son mari à Paris.
Avec leurs deux aînés, Beila/Berthe et Israël/Marcel (né le 18/01/1929 à Varsovie), ils s’installent 16 rue du Pré-Saint-Gervais, dans le 19e arrondissement où le père ouvre un salon de coiffure. C’est là que Charlotte voit à son tour le jour, le 7 mars 1934.
Le 25 décembre 1939, Rajzla décède.
Ajzyk Majer, le père, garde Beila/Berthe, sa fille aînée, auprès de lui afin qu’elle l’aide au salon de coiffure et aux tâches quotidiennes et confie ses deux cadets à l’OSE, qui les envoie à la Maison d’Enfants de Broût-Vernet début 1940. Charlotte a 5 ans et demi.
Le 14 mai 1941, Ajzyk Majer est arrêté dans la Rafle du Billet Vert à Paris et interné le jour-même au Camp de Pithiviers n° 1284. Il est « remis aux autorités d’occupation » et déporté le 17 juillet 1942 à Auschwitz par le convoi n°6. Beila/Berthe subira le même sort quelques jours plus tard.
“Lorsqu’avec Israël/Marcel, on est arrivés à Broût-Vernay, au Château des Morelles, on était loin d’imaginer qu’on y resterait 3 ans”, se souvient Charlotte. “On a fini par être dénoncés. Les Allemands sont venus nous visiter à deux reprises et il a fallu partir. Je me souviens que nous formions une grande famille, le personnel était très gentil, à l’école aussi, mais tous avaient la peur au ventre. Heureusement que j’étais avec mon frère… Nous, on n’avait qu’une idée en tête : retrouver nos parents.”
Après l’arrestation de Joseph COGAN et de ses enfants Albert et Fanny la « Colonie » va se disperser. Marcel et Charlotte sont séparés. “Ils ont du penser : “S’il y en a un qui est pris, l’autre sera peut-être sauvé”.
Israël/Marcel est envoyé à Moissac, dans le Tarn-et-Garonne et Charlotte dans la famille MIGEOIS à Ballaison (Haute-Savoie) où elle restera jusqu’à la fin de la guerre et même après. Elle se souvient qu’elle et son amie Catherine LAZAR furent accueillies à leur arrivée par le curé de Douvaine. Elles se revoient aussi monter à travers les vignes la nuit pour ne pas être vues. “Je n’ai appris qu’en 1945 que mon frère avait séjourné à Moissac. La guerre était finie, et on est venue me chercher chez les catholiques chez qui j’étais cachée pour m’envoyer dans une autre Maison d’Enfants, “La Chaumière”, à St-Paul en Chablay, en Haute-Savoie. On m’avait dit que c’était pour rejoindre mon frère…”
Finalement, Charlotte est rapatriée à Paris. Elle y retrouve sa tante, qui la garde auprès d’elle au 117 rue de Belleville dans le 19e. « Mais comme ils ne me donnaient toujours pas de nouvelle de mon frère, j’ai préféré retourner chez les gens chez qui j’étais cachée à Ballaison depuis fin novembre 43. »
La vie suit son cours. Charlotte se marie, et entreprend des recherches. « Ce n’est qu’en 1994 que j’ai pu enfin obtenir une information sérieuse. Mes enfants m’avaient payé un voyage en Israël et, au cours d’une visite, j’ai fait la connaissance d’une personne à qui j’ai raconté mon histoire et qui m’a promis de m’aider. Elle m’a communiqué une adresse à laquelle j’ai écrit. C’est comme ça que j’ai appris que mon frère, Israël/Marcel SENDYK, aurait vécu en Israël de 1948 à 1963. J’ai ensuite reçu un document de l’ambassade d’Israël qui confirmait cette information mais ignorait où il était parti ensuite. Jusqu’à ce que j’apprenne, de courriers en courriers, par le Consulat général d’Israël à New-York qu’il avait transité par les USA. Voici ce que dit cette lettre datée du 30 mars 2001 : « Suite à votre courrier du 15/11/2000, adressé au consulat général de NY, nos services ont l’honneur de vous délivrer par nos intermédiaires un extrait du registre de la population au nom de M. Marcel SENDYK. »
« Donc il aurait été répertorié dans la population de New-York, c’est ce que je crois comprendre. Pourtant, les nombreux courriers que j’ai encore envoyés dans les années 2008, 2010 et au-delà à plusieurs sections consulaires israéliennes en France ou aux Etats-Unis ne m’ont jamais permis d’en savoir davantage. Je voudrais savoir quelle a été sa vie après, s’il a été marié, s’il a eu des enfants, s’il est en vie. Je dis souvent à mes enfants, le passé est douloureux, toute ma famille a péri dans les fours crématoires, mais mon frère, je ne sais pas la vie qu’il a eue ».
Aujourd’hui, en 2016, Israël/Marcel SENDYK aurait 87 ans.
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