Avec « Quitter le monde », Douglas Kennedy signe une tragédie sentimentale et familiale, plus sombre que ses précédents romans, et qui se déroule une fois encore au coeur de la société américaine. C’est l’histoire d’une petite fille, Jane Howard que son père a abandonnée et qui le cherchera toute sa vie. Le soir de son treizième anniversaire, elle annonce à ses parents, après une nouvelle dispute, qu’elle ne se mariera jamais et n’aura pas d’enfants. Le lendemain, le père a quitté le domicile conjugal sans un mot d’explication. Comme tous les enfants dans les mêmes circonstances, elle s’en rend forcément responsable, et il lui faudra beaucoup de temps pour se défaire de sa culpabilité.
Sur le campus de Cambridge où elle étudie la littérature, elle tombe amoureuse de son professeur marié avec lequel elle entretiendra une relation secrète… Jusqu’à ce qu’il se suicide en jetant son vélo sous les roues d’un camion. Nouvel abandon du père qu’elle s’était recréée. Jane décide ensuite de gagner de l’argent, sans doute pour se donner de la valeur, elle qui croit n’en avoir aucune, puisqu’on la laisse toujours tomber. La jeune femme intègre le monde de la finance et se fait donc embaucher par un cabinet dont le patron a décelé en elle de grandes qualités. Manque de bol, son passé la poursuit: son père, en manque d’argent, se rappelle à son bon souvenir. Mais le virement que Jane effectue au profit du paternel, se retourne contre elle et lui vaut une descente du FBI dans le cabinet, ce qui va précipiter son licenciement. La finance est un milieu clos qui n’aime guère que l’on s’intéresse à ses affaires. Or il s’avère que le père de Jane est un personnage peu recommandable, mélange d’espion et d’escroc, ayant travaillé au Chili pour le régime de Pinochet et qui a dénoncé de nombreux soutiens de l’ancien président Allende. Jane renie son père mais finira tout de même, devenue professeur à Boston, par avoir un enfant de Theo avant que son existence ne bascule dans la tragédie et qu’elle n’ait plus qu’un désir : quitter le monde.
La disparition d’une jeune fille va lui permettre de survivre en se lançant à coeur perdu dans une enquête pour découvrir la vérité. À la fois drame psychologique et road-movie à travers une Amérique toujours prodigieuse de vitalité, Douglas Kennedy nous conduit dans ce roman intimiste qui n’est pas sans rappeler «À la poursuite du bonheur». Comme l’écrit Raphaëlle Rérolle dans «Le Monde»: «Ses histoires sont ce que les Anglo-saxons appellent des page-turners, des ouvrages dont on tourne les pages sans pouvoir s’arrêter». Ou encore François Busnel dans «Lire»: «Douglas Kennedy incarne une exception littéraire: les romanciers capables de questionner le monde tout en le divertissant». Né à New-York en 1955, l’auteur vit aujourd’hui entre Londres, Paris, Berlin et le Maine.
Un document de Douglas Kennedy – Editions Belfond, 23 €.
Source : Le Télégramme.com du 12 juillet 2009.