La parution récente du livre « Rendez-moi ma fille » de Candice Cohen-Ahnine aux éditions de l’Archipel (photo) relance le débat sur l’enlèvement parental international, le soutien de nombreux Etats dans le monde à ce type de pratiques, et le peu d’empressement de l’Etat français à protéger ses ressortissants victimes de telles situations. La jeune Française de 35 ans raconte l’enfer vécu lorsque son mari, un prince saoudien, l’a fait séquestrer dans son pays pendant plusieurs mois après avoir capturé leur enfant commune. Candice a été trompée par l’ambassadeur de France en Arabie Saoudite qui a cherché à lui faire signer une déclaration d’abandon de l’enfant, et dénonce vivement l’attitude du Ministère des Affaires Etrangères. Elle n’est malheureusement pas la première à démontrer que l’Etat français n’hésite pas à sacrifier ses enfants enlevés et leur parent, au nom de ses intérêts économiques.
Les situations de séquestration d’enfants de couples binationaux par un parent avec exclusion volontaire de l’autre parent sont connues de longue date des diplomates, des professionnels du droit international et des magistrats de la famille en France et dans le monde entier. Elles sont particulièrement fréquentes dans les pays dont la culture sociale possède une dimension autoritaire, intégrant fortement l’enfant au groupe dès sa naissance avec une marge de liberté limitée pour ses parents : Afrique du Nord, Moyen-Orient, ex-URSS, Asie. Le lien parent-enfant étant considéré comme non-prioritaire, l’enfant est très souvent capté affectivement par le groupe familial élargi et la société. Lorsque les parents se séparent et que l’un d’eux est étranger, le risque est élevé qu’il n’ait plus accès à l’enfant, parfois jusqu’à la rupture complète et définitive de tous les liens.
L’Union européenne est loin d’être épargnée par le phénomène. Son homogénéité culturelle n’est qu’une façade, qui masque mal des traditions très diverses et parfois radicalement opposées en matière familiale. Depuis une quinzaine d’années, le nombre de mariage binationaux au sein de l’Union Européenne a beaucoup augmenté, pour atteindre environ 300.000 par an. Plus de la moitié de ces couples divorcent. Si l’on intègre un nombre au moins équivalent voire supérieur de couples non mariés, et en prenant la frange la plus basse, au moins 100.000 litiges par an sur l’autorité et la garde parentale sont portés devant les tribunaux européens pour des enfants binationaux. L’Union européenne a mis en place au début des années 1980 la Convention de la Haye, outil législatif commun censé résoudre en particulier les conflits de compétence territoriale. Elle a été complétée en 2000 puis 2003 par des règlements sur la reconnaissance des décisions prises par une juridiction étrangère. Mais plusieurs pays, plaçant de façon déloyale leur droit national au-dessus du droit européen, continuent de faire fi de la conception internationale des droits de l’enfant et encouragent délibérément la séquestration sur leur sol des enfants binationaux et l’exclusion de leur parent étranger.
L’Allemagne, champion européen de ces pratiques, est stigmatisée de longue date par les défenseurs des droits de l’homme, les responsables politiques et les élus de nombreux pays. L’Autriche et la République Tchèque ont également ce type de culture.
Le cas de l’Allemagne est bien particulier. En raison de son engagement dans les structures juridiques, économiques et politiques européennes, le pays bénéficie d’une véritable immunité diplomatique. En 1998, même Bill Clinton n’avait pu obtenir le rétablissement des contacts entre la franco-britannique Catherine Laylle, épouse de l’ambassadeur anglais à Washington, et ses deux fils d’un premier mariage, séquestrés en Allemagne par leur père*. Les administrations allemandes poussent très loin la culture de l’assimilation complète des enfants binationaux : falsification de l’état-civil lorsqu’il n’est pas allemand, harcèlement pénal contre le parent étranger perçu comme une menace, certificats et expertises truqués, procédures judiciaires non contradictoires. Les tribunaux allemands n’appliquent jamais les décisions étrangères et détournent les textes européens pour s’emparer des procédures familiales en cours dans les autres pays, afin de les mener selon leurs pratiques et à leurs fins d’assimilation. Le nombre de cas d’enfants assimilés de force en Allemagne et les niveaux de violation du droit sont devenus tels au cours des années que la tension diplomatique sur le sujet n’a cessé de monter. Le Parlement européen possède un groupe de travail permanent sur le sujet**.
Dans ces dossiers d’enlèvement parental international, les consulats de France dans les pays étrangers concernés ont une attitude non-interventionniste vis-à-vis du parent français de ces enfants séquestrés, se retranchant derrière la souveraineté de la justice locale. Au Ministère des Affaires étrangères, la sous-direction de la protection des personnes tient un discours ambigu. Diplomate chargé des familles et des enfants dans cette sous-direction, Marie-José Le Pollotec incite les parents victimes à renoncer à leurs droits parentaux au nom du « pragmatisme » et de la « bonne coopération » avec le pays rapteur. Reçu à bout de forces morales au terme de 18 mois de lutte acharnée et de procédure truquée dans un pays étranger, le père Français d’une fillette de 3 ans séquestrée dans ce pays s’est vu demander par Mme Le Pollotec : « mais souhaitez-vous vraiment revoir votre enfant ? ». Martine Gozlan, journaliste à Marianne et spécialiste des pays musulmans, a livré un témoignage similaire sur ce diplomate et ses collègues dans un article consacré à Candice Cohen-Ahnine***.
Source : Agoravox.fr du 28/04/2012.