« On s’aimait comme les amoureux de Peynet. Rappelle-toi toujours des amoureux de Peynet et tu n’oublieras jamais le nom de ton père » ressassait inlassablement Mauricette à sa fille.
Aussi la petite Brigitte, à défaut de pouvoir contempler son père ne serait-ce qu’en photo, grandit-elle avec l’image des amoureux de Peynet accrochée au-dessus de son lit. Mauricette et Pierre, tous deux enfants de la Ddass, s’étaient rencontrés au foyer de Soissons. « Maman m’a raconté que les filles étaient séparées des garçons et qu’en un an, ils n’ont passé qu’une nuit ensemble. Celle où ils m’ont conçue », raconte Brigitte émue.
Alors qu’ils rêvent déjà de jouer au papa et la maman et de se marier, l’Assistance Publique les sépare et confisque les lettres qu’ils s’envoient.
Pierre ne saura pas si l’enfant que porte Mauricette verra le jour, ni même quel sera son sexe avant ce jour de décembre 1993. « Le choc de ma vie, analyse Pierre. A l’époque, on n’osait pas se rebeller. Si j’avais pu, j’aurai enlevé Mauricette et on se serait sauvés tous les deux, avec l’enfant qu’elle portait ».
A 59 ans, Pierre n’a pas laissé passer sa chance deux fois : il s’est sauvé … pour aller vivre chez sa fille et rattraper le temps perdu.
Photo : Il aura fallu 39 années à Brigitte pour découvrir le visage de son père naturel, Pierre (ici avec son épouse et leurs filles). Les parents de Brigitte, orphelins, avaient été séparés par l’Assistance Publique peu avant sa naissance.