Un parcours du combattant administratif, mais pas seulement. Perrine Huon, 33 ans, livre son expérience d’adoptante dans un ouvrage vif et sincère, qui casse les non-dits. Rencontre. « C’est pas grave, t’as qu’à adopter… » Mais si, c’était grave : un traitement contre une leucémie l’avait rendue stérile quatre ans plus tôt. Et Perrine Huon s’est aperçue que ce n’était pas si simple d’adopter.
Elle n’a pas tenu de journal pendant sa maladie, mais a couché par écrit son histoire une fois guérie. Elle n’a pas pris de notes pendant qu’elle attendait le coup de fil qui lui attribuerait un enfant, mais s’est promis « d’en faire le récit quand ce serait terminé, dit-elle en découvrant un jeudi de mars la couverture de son livre chez son éditeur. Pour que les gens se rendent compte que l’adoption, ce n’est pas qu’un parcours du combattant administratif. »
En file d’attente…
C’est surtout beaucoup d’attente (quatre ans et demi pour son premier fils), beaucoup de réflexions maladroites, de solitude, d’imprévus. Elle avait 24 ans quand elle et son mari ont reçu l’agrément ; 28 quand elle est devenue mère pour la première fois.
Elle raconte tout : ses doutes sur sa capacité à aimer un enfant qui n’aurait pas ses traits ; le choix du continent où elle irait le chercher ; la certitude de ne pas vouloir adopter dans les pays d’Europe centrale, où « la plupart des enfants étaient en mauvaise santé, et ceux qui étaient adoptables n’étaient plus des bébés » (son deuxième fils est né en Ouzbékistan).
Le baby blues de l’adoptante
Elle se souvient de la couleur du bermuda et du polo qu’elle portait le jour où elle a rencontré son aîné au Vietnam, du coût de la procédure en détail (interprète : 500 euros, constitution du dossier : 100 euros, actualisation du dossier : 48 euros, frais d’avocats, vaccins, hôtels en pension complète, etc.). Elle raconte ses errances sur le Net. C’est là qu’elle a trouvé presque toutes ses infos, pisté les pays qui fermaient l’adoption aux Américains, « ce qui, du coup, laissait plus de chances aux Français ».
C’est aussi sur Internet qu’elle a découvert les forums. Les officiels, où elle lançait des appels de détresse quand elle n’y croyait plus. Et les secrets, où les adoptants s’échangent des infos qui leur permettent de suivre leur progression sur la liste d’attente. Elle raconte son équivalent de baby blues.
Elle évoque aussi le plus dur : sa stérilité, la seule séquelle irréversible de sa maladie. « Si j’ai écrit, c’est peut-être pour sortir cette agressivité que j’ai pu éprouver face à des femmes enceintes ou allaitantes », confie Perrine. Certains passages ont été censurés, « mon éditeur m’a dit qu’on ne pouvait pas écrire ça dans un livre ». Trop violent. Encore maintenant, elle l’avoue : « J’ai un pincement à chaque fois que j’apprends une nouvelle grossesse. Pas parce que j’aimerais un troisième enfant, je suis archicomblée avec les miens. Mais parce que je ne connaîtrai jamais cet état. »
Source : Julie Lastérade pour Grazia.fr du du 11 mai 2015.
C’est pas grave, t’as qu’à adopter…, de Perrine Huon – Editions Michel Lafon, 304 pages.