Sandrine naît à Asnières en septembre 1967, trois ans jour pour jour après le mariage de ses parents. Elevée par sa grand-mère maternelle, ce n’est qu’à 14 ans qu’elle prend conscience que celle qu’elle appelle « mémé » n’est pas sa mère et que le mari de Mémé n’est pas son grand-père.
Mais chez Mémé, impossible d’en savoir davantage. « Quand j’avais besoin du livret de famille pour l’école, je ne pouvais jamais l’avoir en main propre, se souvient Sandrine. Elle montait le chercher elle-même dans un coffre-fort dont elle gardait la clé ». Profitant d’un jour d’absence de sa grand-mère, l’adolescente découvre son histoire : sa mère, Chrislaine, est partie quand elle avait trois mois. En 1988, un flash lui revient : durant son enfance, une dame aux cheveux longs et noirs venait parfois lui rendre visite. « Quand elle arrivait, j’étais tellement heureuse que je lui sortais tous mes jouets. Mémé m’a avoué qu’il s’agissait de ma mère ».
Sandrine a retrouvé sa mère en 1994, après 25 ans d’absence. Elle-même avait été délaissée par sa propre mère, « mémé », alors qu’elle n’avait pas deux ans. Placée de nourrices en pensionnats, Chrislaine avait réintégré le foyer maternel dans sa quatorzième année, période à laquelle sa mère refait sa vie. Mais, trop âgée pour avoir un deuxième enfant, trop égoïste ou rancunière, Mémé s’accapare la fille de sa fille et en obtient la tutelle. « J’ai appris à vivre sans ma fille, explique Chrislaine, même si je n’ai jamais pu l’oublier. C’était comme un secret. Avec le temps, je l’ai enfoui et je l’ai gardé à l’intérieur de moi. J’ai fait des démarches à sa majorité mais elles n’ont pas abouti. J’ai pensé qu’on lui avait dit que j’étais morte alors, une fois de plus, j’ai baissé les bras ». Jusqu’à ce jour magique où la vie a bien voulu les réunir enfin.
Photo : Sandrine avait 1 an lorsque sa mère, Chrislaine, a quitté le domicile conjugal. 25 ans plus tard, elle met enfin un visage sur celle qui l’a mise au monde. Au centre, Patricia Fagué.