« Il était grand, blond aux yeux bleus et jouait de la guitare. Il ressemblait à Johnny. » Souvenirs, souvenirs…
Les seuls qu’Annick, la mère d’Estelle, avait gardés du père de sa fille, modeste représentant en aspirateurs pour l’entreprise Baleix à Dijon durant l’été 1961. « Tellement modeste que ma mère n’a rien conservé le concernant, ni cadeau, ni photo, rapporte encore Estelle. La seule chose qu’il lui ait offerte, ce sont des leçons de natation. C’est grâce à lui qu’elle a appris à nager… dans le canal. Elle avait 17 ans et demi ».
Annick vit alors chez sa mère, à qui Serge a réussi, quelques mois plus tôt, à vendre sa camelote. « Et lorsque ma mère a voulu se marier, parce qu’elle m’attendait, ma grand-mère s’y est opposée. Elle a mis ma mère à la porte, enceinte, et c’est auprès de Serge qu’elle s’est réfugiée. Elle s’est trouvé un petit appartement dans le quartier de Barbès-Rochechouard d’où elle partait retrouver Serge, qui vivait chez son père à Vitry. Jusqu’à ce 24 janvier 1962 où, sans qu’elle comprenne pourquoi, Serge l’a à son tour éconduite : « Demande à ta mère, elle t’expliquera ». A son insu, ma grand-mère lui avait écrit pour lui dire que l’enfant n’était pas de lui. Elle voulait sa fille pour elle. C’est comme ça que j’ai été privée de mon père pendant 43 ans. Même si j’ai eu un beau-père formidable, qui m’a reconnue et élevée depuis l’âge de 3 ans, aujourd’hui, je veux savoir qui il est et ce qui s’est réellement passé. »
Localisé en moins d’un mois en Bretagne, Serge n’avait pas oublié Annick, ni sa grossesse. « J’ai toujours eu un doute au fond de moi mais ce n’était pas concret. Et puis la vie a fait son œuvre. Trois ans après cette aventure avec Annick, je me suis marié. J’ai eu deux filles avec qui je me suis récemment réconcilié, Edwige, qui a 43 ans et Myriam, qui en a 40 et je suis remarié depuis 29 ans avec la mère de ma troisième fille, Gaëlle. Maintenant que le doute est levé, je ressens comme un poids en moins… et je regrette de ne pas avoir été là pour Estelle. Ca me fait du mal de savoir qu’elle n’a pas eu son père. Elle n’y est pour rien, elle n’a rien demandé… »
Pour preuve Serge, soutenu par sa femme Marie-Françoise et leur fille Gaëlle, n’a pas attendu les fêtes de fin d’année pour faire la connaissance de son aînée. Le 12 novembre 2005, trois jours après lui avoir parlé au téléphone, Estelle a rencontré son père, chez lui, en Bretagne. Le temps d’un week-end qui en augure bien d’autres…